L'origine de Chanson
Depuis la nuit de temps
L'usage des chansons, dit J.-J. Rousseau, semble être une suite naturelle de celui de la parole, et n'est en effet pas moins général, car partout où l'on parle on chante ; il n'a fallu pour les imaginer que déployer ses organes et fixer l'expression dont la voix est capable par des paroles dont le sens annonçât le sentiment qu'on voulait rendre ou l'objet qu'on voulait imiter. Ainsi les anciens n'avaient point encore l'usage des lettres qu'ils avaient celui des chansons. Leurs lois et leurs histoires, les louanges des dieux et des grands hommes furent chantées avant que d'être écrites ; et de là vient, selon Aristote, que le même nom grec (nomos) fut donné aux lois et aux chansons.
Orphée, Linus, etc., commencèrent par faire des chansons ; c'étaient des chansons que chantait Eriphanis en suivant les traces du chasseur Ménalque ; Thespis, barbouillé de lie, et monté sur des tréteaux, célébrait la vendange, Silène et Bacchus par des chansons à boire ; toutes les odes d'Anacréon ne sont que des chansons ; en un mot toute la poésie lyrique n'était proprement que des chansons.
Dans la Grèce et la Rome antiques
Dans les premiers temps, dit M. de La Nauze, tous les convives, chez les Grecs, chantaient ensemble, et d'une seule voix ; dans la suite tous les convives chantaient successivement, chacun à son tour, tenant une branche de myrte, qui passait de la main de celui qui venait de chanter à celui qui chantait après lui.
Les Romains, imitateurs des Grecs, ne reçurent les chansons à boire que lorsqu'ils commencèrent à cultiver la musique. D'abord ils ne chantaient que les poèmes des Saliens, et quelques cantiques grossiers en l'honneur des dieux. Vers la fin de la république, lorsque les richesses et le luxe les eurent plongés dans les plaisirs et la débauche, ils firent un grand nombre de chansons de table, qu'ils chantaient ou seuls, ou en partie, en s'accompagnant de quelque instrument : Horace, le premier des Latins qui ait imité Alcée et Anacréon, nous l'apprend dans plusieurs de ses odes, qui ne sont que des chansons bachiques et galantes.