L'origine de Dîners de Vaudeville
Des réunions philosophiques et joyaeuses
MM. Piis, Barré, Desfontaines, Radet, Ségur, Bourgueil, Deschamps, et quelques autres poètes, fondateurs du théâtre appelé le Vaudeville, se réunissaient une fois par mois. Des sujets de chansons, sous la désignation de mots donnés, étaient distribués par le sort à chacun des convives, et de jolis couplets, tissus sur ce canevas léger, étaient le tribut exigé pour la réunion suivante. Tel fut l'objet d'une institution qui rappelle le bon temps de la gaieté française : c'est ainsi que Piron, Panard, Gallet et Collé fondèrent au cabaret une académie bachique qui, dans ses écarts même, n'était pas étrangère au bon goût.
Laujon, poète agréable, qui, à l'exemple de Saint-Evremont, conserva jusqu'à l'âge le plus avancé une douce philosophie, une spirituelle hilarité, présida longtemps les réunions des chansonniers dont nous parlons. A la mort de cet académicien, M. Désaugiers fut mis en possession du sceptre, ou plutôt du thyrse auquel les joyeux convives se soumettaient.
La fin de ces assemblées
Mais si la discorde se glisse souvent parmi les sages, à plus forte raison devait-elle, tôt ou tard, désunir des hommes qui ne recevaient de loi que de la folie. Vers 1814, des discussions s'élevèrent, dit-on, sous les voûtes du Caveau moderne, qui jusqu'alors n'avaient retenti que des accents d'une franche gaieté ; nos épicuriens, qu'on avait vus traverser la révolution en chantant, se séparèrent aux approches de la paix.
Quelques membres de l'ancienne société essayèrent bientôt d'en former une nouvelle sous le titre de Soupers de Momus; mais maintenant que nous sommes habitués à d'autres repas, les soupers sont parfois indigestes : peut-être s'en aperçut-on aux productions des transfuges du Caveau. Quoi qu'il en soit, leurs réunions ont cessé, ou si elles ont encore eu lieu, rien n'en révéla le but au public. On doit regretter ces assemblées où, sous l'empire de Bacchus et de la Folie, on ne laissait pas de consulter les Grâces, et de se livrer à une critique utile.