L'origine de Fleuriste
Dans l'antiquité gréco-romaine
L'art de placer des bouquets de fleurs naturelles, ou même artificielles, dans les coiffures et dans les chapeaux était connu des bouquetières et des faiseuses de modes de Rome et d'Athènes. Voici ce que Pline raconte à ce sujet ; nous rapportons ce trait dans la simplicité du langage de son vieux traducteur, pour ne lui rien ôter de sa naïveté.
« Ceux de Chiarenza de la Morée furent les premiers qui compassèrent les couleurs et les senteurs des fleurs qu'on mettait ès chapeaux. Toutefois cela vient de l'invention de Pausias, peintre, et d'une bouquelière nommée Glycéra, à qui ce peintre faisait fort la cour, jusques à contrefaire au vif les chapeaux et bouquets qu'elle faisait. Mais cette bouquetière changeait en tant de sortes l'ordonnance de ses chapeaux et bouquets, et le mélange des fleurs qu'elle y mettait, pour mieux faire rêver son peintre, que c'était grand plaisir de voir combattre l'ouvrage naturel de Glycéra contre le savoir du peintre Pausias, et de fait encore y a-t-il des tableaux en hêtre, qui sont de la facture de ce peintre, et signamment un qui est intitulé Stephanoplacos, où il peignit sa bouquetière au vif. Et tout cela est advenu depuis la centième Olympiade en çà. Après donc que les chapeaux de fleurs eurent régné quelque temps, on commença à mettre en jeu, petit à petit, les chapeaux surnommés égyptiens et les chapeaux d'hiver, lorsqu'il n'est possible d'avoir des fleurs fraîches, lesquels étaient faits de raclures et rabotures de cornes, teintes en diverses couleurs. » (Histoire naturelle)
Les fleurs artificielles
L'art de faire des fleurs artificielles est fort ancien a la Chine. Dans le vingtième volume des Lettres édifiantes et curieuses, il y a une lettre du père d'Entrecolles, jésuite, sur l'adresse des Chinois à faire des fleurs artificielles qui imitent parfaitement les fleurs naturelles : elles ne sont faites ni de soie, ni d'aucune espèce de fil de toile ou de papier, mais de la moelle d'un arbrisseau, qui se coupe par bandes aussi fines que celles de parchemin ou de papier.
Les Italiens ont été longtemps avant nous en possession de cet art, dans lequel ils obtinrent des succès signalés ; ils se servaient de ciseaux et non de fers à découper, invention moderne qui est due à un Suisse. Ce ne fut qu'en 1738 que M. Séguin, natif de Mende, capitale du Gévaudan, et distingué par ses connaissances en chimie et en botanique, commença à faire, à Paris, des fleurs artificielles aussi belles que celles d'Italie. Il en a fait aussi à la manière chinoise, avec de la moelle de sureau ; c'est encore lui qui a donné la première idée d'une sorte de fleurs en feuilles d'argent colorées, qu'on emploie dans les ajustements des femmes.
Un. de nos poètes, M. Campenon, a chanté ces bouquets artificiels que M. Philippe de la Renaudière appelle enfants de l'imposture ; il a exprimé poétiquement cette production de l'art rival de la nature :
Oui, loin des champs, il est une autre Flore,
Que l'art fait naître, et que Paris adore.
Vous ne verrez dans ses temples trompeurs
Que fusion sec, que guirlande inodore ;
Là, quand l'hiver nous livre à ses rigueurs
Un faux printemps se reproduit sans cesse,
Et, sous les doigts de la jeune prêtresse,
Qui par son art ose imiter les fleurs,
Le lin docile en pétale se plisse,
Se frise en feuille, ou se creuse en calice.
Sur ces bouquets méconnus des Zéphyrs,
Un pinceau sûr adroitement dépose
L'or du genêt, le carmin de la rose,
Ou de l'Iris nuance les saphirs ;
Puis on les voit dans nos folles orgies,
Au sein des bals, loin des feu du soleil,
s'épanouir aux rayons des bougies.
L'art applaudit à leur éclat vermeil ;
Mais sur ces fleurs, enfants d'une autre Flore,
Je cherche en vain les pleurs d'une autre Aurore.
La Maison des champs.