L'origine de Funérailles
Les funérailles dans l'Egypte ancienne
Les Égyptiens sont les premiers de tous les peuples qui ont montré un grand respect pour les morts. Quand quelqu'un était mort, les parents et les amis commençaient par prendre des habits lugubres, s'abstenaient du bain et se privaient des plaisirs et de la bonne chère. Ce deuil durait jusqu'à quarante et soixante-dix jours. Pendant ce temps, on embaumait le corps avec plus ou moins de dépense, selon la qualité des personnes. Dès que le corps était embaumé, on le rendait aux parents, qui l'enfermaient dans une espèce d'armoire ouverte, où ils le plaçaient debout et droit contre la muraille, soit dans leurs maisons, soit dans les tombeaux de famille. Mais, avant d'être admis aux honneurs de la sépulture, les morts devaient subir un jugement solennel ; et cette circonstance des funérailles, chez les Égyptiens, offre un fait des plus remarquables qui se trouve dans l'histoire ancienne.
Le tribunal d'où émanaient ces arrêts redoutables était composé de quarante juges. Leur assemblée se tenait au-delà d'un lac que les morts passaient dans une barque ; celui qui la conduisait s'appelait, en langue égyptienne, Charon, et c'est sur cela que les Grecs, instruits par Orphée qui avait été en Egypte, ont inventé leur fable de la barque de Charon. Aussitôt qu'un homme était mort, on l'amenait au jugement ; la loi permettait à tout le monde de venir faire ses plaintes contre lui. S'il n'avait pas vécu en homme de bien, on le privait de la sépulture ; si au contraire il n'y avait aucun reproche contre sa mémoire, on prononçait tout haut son éloge, et on l'ensevelissait honorablement.
Diodore remarque, à l'occasion de ces éloges funèbres, qu'on ne parlait jamais de la race et de la famille du défunt ; on ne comptait pour objet de vraies louanges, que ceux qui émanaient du mérite personnel du mort. Le trône même n'était pas à couvert de cette enquête publique établie contre les morts, et quelques rois, sur la décision du peuple, ont été privés des honneurs de la sépulture. Cette coutume passa chez les Israélites : nous voyons dans l'Ecriture que les méchants rois n'étaient point ensevelis dans les tombeaux de leurs ancêtres, Joseph nous apprend que cet usage s'observait encore du temps des Asmonéens.
Les funérailles dans la Grèce antique
C'est à Cécrops, qui aborda dans l'Attique l'an 1582 avant l'ère chrétienne, et qui succéda à Actée, roi de ce canton, que l'antiquité attribue l'institution des cérémonies funèbres dans la Grèce. Cicéron nous apprend que ce prince introduisit l'usage d'inhumer les morts et de répandre du grain sur leur tombeau ; mais on voit que les Grecs jugèrent à propos dans la suite de brûler les cadavres au lieu de les confier à la terre.
Dans les premiers temps de la Grèce, les convois s'y faisaient toujours de nuit ; à Athènes, c'était le matin, avant le lever du soleil. C'est pour cela qu'on portait des flambeaux et des cierges aux funérailles des riches, et seulement des chandelles à celles des pauvres. A la tête de la pompe funèbre, marchaient les joueurs de flûte, qui jouaient des airs lugubres. Après le mort suivaient ses fils, la tête voilée ; ses filles avaient les pieds nus et les cheveux épars ; ensuite venaient les plus proches parents et les amis. Les femmes étaient vêtues de blanc, comme le mort, et avaient souvent les cheveux coupés, pour les mettre sur la poitrine du défunt, ou sur son bûcher.
Le corps étant arrivé auprès du bûcher ou du tombeau, on lui introduisait dans la bouche une pièce de monnaie, pour payer à Charon le passage de la barque ; ensuite on le plaçait sur le bûcher. Les plus proches parents y mettaient le feu, en tournant la tête d'un autre côté, pour éloigner leurs regards d'un objet si triste. On y jetait des habits, des étoffes précieuscs, des dépouilles prises sur les ennemis, et des parfums les plus exquis. On immolait aussi des taureaux et des moutons qu'on jetait dans les flammes, en l'honneur du mort. Lorsque le corps était réduit en cendres, et qu'il ne restait plus que quelques ossements, on répandait du vin sur le brasier pour l'éteindre, et après avoir recueilli ce qu'on jugeait être du défunt, on le renfermait dans une urne que l'on plaçait dans le tombeau. Toutes ces cérémonies se faisaient avec plus ou moins de pompe, selon la qualité ou la richesse des personnes. Aux funérailles des princes et des personnes de distinction on célébrait des jeux appelés jeux funèbres : tels sont ceux qu'Achille fait dans l'Iliade en l'honneur de Patrocle, et, dans l'Énéide, Enée en l'honneur d'Anchise.
Les Grecs ne connurent la magnificence des funérailles, que par celles d'Alexandre-le-Grand. Diodore de Sicile nous en a laissé la description qu'on peut lire dans Rollin. On pourra lire aussi, dans la traduction de l'Enéide par Delille, la description des funérailles de Pallas, jeune guerrier mort sur le champ de bataille.
Les funérailles dans la Rome antique
Les cérémonies des funérailles, chez les Romains, étaient, à peu de chose près, les mêmes que chez les Grecs. On les terminait toujours par un festin que l'on donnait aux parents et aux amis. Elles duraient neuf jours, après lesquels on faisait un autre festin qu'on appelait le grand souper ou la novendiale, c'est—à-dire la neuvaine. Les grands de Rome étaient ensevelis dans une toile incombustible, pour empêcher que leurs cendres ne se mêlassent à celles du bûcher. On plaçait dans les tombeaux des urnes lacrymales, ou de petits vases qui renfermaient les larmes que leur mort avait fait répandre.
Du temps de l'empereur Vespasien, on louait, dans les funérailles, un pantomime à peu près de la taille et de la figure du mort, et qui contrefaisait quelquefois si bien son air, sa contenance et ses gestes, qu'il semblait que c'était lui-même qui marchait à son convoi. On avait aussi des pleureuses de profession. Une d'entre elles conduisait la bande ; elle présidait, durant la marche, aux mouvements, aux gestes, aux grimaces, aux gémissements de ses compagnes.
Cicéron trouvait que l'usage d'enterrer les morts et de les rendre ainsi à la terre, d'où ils étaient sortis, était le plus ancien et le plus naturel de tous ; cependant ce ne fut que sous le règne d'Antonin, dit le Pieux, qui mourut le 7 mars 161 de l'ère chrétienne, que s'abolit l'usage de brûler les morts.
Les funérailles en France
Les Français, même bien des siècles après que le christianisme fut établi dans les Gaules, conservèrent, dans leurs funérailles, les coutumes et les usages des Romains ; témoins les festins qu'ils faisaient en l'honneur des morts, et tout l'appareil profane des funérailles des grands seigneurs. Dans un compte de dépense de la maison de Polignac, de l'an 1375, on trouve un article de cinq sous donnés à Blaise, pour avoir fait le chevalier défunt, aux funérailles de Jean, fils de Randonnet Armand, vicomte de Polignac.
Louis VII, surnommé le Jeune, fut enterré avec ses habits royaux dans un cercueil d'or et d'argent, orné de pierreries et du travail le plus délicat.
Le corps du fils de saint Louis, mort à l'âge de seize ans, fut d'abord porté à Saint-Denis, et de là à l'abbaye de Royaumont où il fut enterré. Les plus grands seigneurs du royaume portèrent alternativement le cercueil sur leurs épaules, et le roi Henri III d'Angleterre, qui était alors à Paris, le porta lui-même, comme feudataire de la couronne.
A la porte de l'église de Notre-Dame, le roi Philippe III prit sur ses épaules les ossements de saint Louis, son père, et les porta jusqu'à Saint-Denis, accompagné d'archevêques, évêques et abbés, la mitre en tête et la crosse au poing.
Aux funérailles de Charles VI, on imagina de faire une effigie en cire, revêtue des habits et ornements royaux, et l'on enferma le corps dans un cercueil. On ne remarque depuis ce temps-là aucun changement considérable dans les cérémonies observées aux funérailles de nos rois.
Le Moniteur, du mardi 26 octobre 1824, après avoir indiqué l'ordre dans lequel étaient placées toutes les personnes invitées aux obsèques de Louis XVIII, qui eurent lieu dans l'église de Saint-Denis, la veille 25 octobre, rend un compte exact des cérémonies qui furent observées au service d'inhumation.
L'usage de traîner les morts sur des chars à quatre roues, ornés de draperies plus ou moins pompeuses, selon la richesse des personnes, ne s'est introduit à Paris et dans les grandes villes de France, que depuis environ trente ans ; auparavant les corps étaient portés par quatre hommes vêtus d'habits ecclésiastiques, et payés pour remplir cet office.