L'origine de Gravure


La gravure dans l'antiquité

Les anciens n'ont connu que la gravure en relief et en creux des pierres et des cristaux. L'éphod d'Aaron était orné de deux onyx montées en or, sur lesquelles on avait gravé en creux les noms des douze tribus, c'est-à-dire qu'il y avait six noms gravés sur chaque pierre. Le rational brillait de l'éclat de douze pierres précieuses de différentes couleurs, et sur chacune on lisait le nom d'une des douze tribus. « Je conviens, dit Goguet, que pour la finesse de l'exécution on ne doit pas comparer la gravure de quelques noms au travail et à la dextérité qu'exigent les figures, soit d'hommes, soit d'animaux, ou les sujets de composition ; mais, quant à l'essence de l'art, le procédé est toujours le même, et ne diffère que du plus au moins de perfection. On doit être étonné de voir que dès le temps de Moïse, et sans doute auparavant, on fût en état d'exécuter de pareils ouvrages. »
Les Phéniciens, les Hébreux et quelques autres peuples de l'Orient, qui avaient reçu cet art des Égyptiens, le transmirent à leur tour, aux Grecs, qui le communiquèrent aux Romains. Les Égyptiens, dit Winkelmann, de même que les Grecs et les Étrusques, portèrent à un haut point de perfection l'art de graver sur les pierres précieuses. Un seul trait suffit pour nous faire juger de la multiplicité des ouvrages de cette nature chez les anciens ; ce sont les deux mille vases à boire de pierres précieuses, trouvés par Pompée dans les trésors de Mithridate. Le nombre incroyable de pierres gravées antiques qui se sont conservées, et qu'on trouve encore tous les jours, peut nous donner une idée de la quantité d'artistes occupés à ce genre de travail. D'ailleurs les plus belles pierres gravées nous viennent des Grecs ; il ne sortait de leurs mains presque rien, en ce genre, qui ne fût accompli. Parmi les anciens graveurs, on distingue surtout Théodore de Samos et Pyrgotèles, contemporain d'Alexandre, qui seul avait le droit de graver le portrait de ce célèbre conquérant. Polyclète, Apollonides, Dioscorides et plusieurs autres, pour la plupart Grecs d'origine, vinrent s'établir à Rome sous le règne d'Auguste, et firent fleurir la gravure des pierres et des cristaux.


Un art redécouvert au XVe siècle

Après avoir été pendant plusieurs siècles enseveli sous les ruines de l'empire romain, cet art, ainsi que plusieurs autres, reparut au XVe siècle, sous Laurent de Médicis, surnommé le Père des lettres. Plusieurs modernes s'appliquèrent à graver sur des cornalines, sur des agates et d'autres pierres précieuses. Jean, natif de Florence, connu sous le nom delle Cornivole ou des Cornalines, parce qu'il excellait à graver sur ces pierres, fut un des premiers qui s'adonna alors à cet art. Dominique de Camei, Milanais, fut son concurrent, et grava sur un rubis balai le portrait du duc Louis surnommé le More. On vit depuis des pièces achevées ; sorties des mains de Maria da Pescia, de Michelino, de Jean du Castel Bolognese, de Valerio Vincino, de Mattheo dal Nasaro, etc.
Nos gravures en pierres précieuses, sorties des mains de M. Guay, sont des chefs-d'œuvre à mettre en parallèle avec ceux des anciens. En 1758, M. Rivas a inventé un nouveau procédé pour graver en pierre, procédé qui abrège les trois quarts du travail, et permet de prétendre à faire en ce genre des ouvrages supérieurs à ceux des anciens.


La gravure sur diamant

Mariette cite Clément Biragues, qui a vécu longtemps à la cour de Philippe II, comme le premier qui ait trouvé, en 1564, le moyen de graver sur le diamant, substance qui jusqu'alors avait résisté à toutes sortes d'outils. Quelques uns cependant font honneur de cette invention à Jacques Trezzo, mort en 1587 ; d'autres prétendent qu'Ambroise Charadossa avait gravé, en 1500, la figure d'un père de l'Eglise sur un diamant pour le pape Jules II. Natter et Costanzi ont aussi gravé sur le diamant. Les artistes paraissent avoir renoncé à traiter une substance aussi dure, qui n'ajoute à leur ouvrage d'autres mérite que celui de la difficulté vaincue, et à laquelle ils font perdre de son prix réel en diminuant son volume.


La gravure sur métaux

On doit être étonné que les anciens, au génie inventif desquels nous devons tant de belles découvertes, n'aient pas essayé de graver sur le cuivre ou sur d'autres métaux les plus beaux morceaux de peinture, quoiqu'ils eussent trouvé le secret de tracer sur le marbre et sur le bronze leurs inscriptions et leurs lois. Cette invention était réservée aux modernes, et au temps du renouvellement des arts.
On distingue plusieurs sortes de gravures ; savoir, en bois, en cuivre, en clair-obscur ou en camaïeu, à l'eau-forte, en couleurs, en manière noire, au pinceau, au pastel


La gravure en bois

Pour l'estampe, la gravure en bois est la plus ancienne ; elle paraît avoir donné naissance aux premiers essais de l'imprimerie. En 1430, on gravait déjà en bois les sujets de la Bible ; M. de Heineken a même trouvé dans la bibliothèque des chartreux, à buxheim prés de Memningen, une gravure en bois représentant Jésus porté par saint Christophe, en date de 1423, et il est à croire que cet art avait été cultivé avant ce temps ; mais ce ne fut que vers le commencement du XVIe siècle que le travail en ce genre acquit quelque mérite. A cette époque, Albert Durer grava en bois des dessins d'une si grande beauté, que le célèbre Marc Antoine et d'autres graveurs italiens s'empressèrent de les imiter.
Les Anglais ont porté cette sorte de gravure à une grande perfection. Parmi les artistes français qui ont essayé de lutter contre eux, nous citerons M. Gillé, dont les essais en ce genre ont paru à différentes expositions.
Ce fut au commencement du XVIe siècle qu'on appliqua la gravure en bois à l'impression des cartes à jouer. Les toiles peintes ne parurent en France qu'au commencement du règne de Louis XIII.
Il est certain cependant que la gravure en bois est fort ancienne à la Chine et aux Indes, où, de temps immémorial, l'on a fabriqué des toiles peintes. Les Chinois ont d'abord gravé leurs caractères sur des morceaux de bois qu'ils enduisaient d'encre et qu'ils appliquaient ensuite sur le satin et d'autres étoffes.


La gravure en clair-obscur ou en camaïeu

La gravure en bois, de camaïeu ou de clair-obscur, prit vraisemblablement naissance chez quelques uns de ces peuples orientaux, où l'usage de peindre leurs toiles par planches à rentrées et couleurs différentes subsiste de temps immémorial. Le camaïeu est très ancien, s'il est vrai que ce fut de cette manière de peindre d'une seule couleur, qu'un certain Cléophante fut surnommé chez les Grecs le Monochromate. Les premières rentrées de lettres en vermillon, qu'on voit dans les livres de 1470 et 1472, exécutées par Gutenberg, Schoëffer, et autres, suggérèrent sans doute à quelques peintres allemands l'idée d'imiter les dessins faits avec la pierre noire sur le papier bleu et rehaussés de blanc. On voit de ces estampes ou premiers camaïeux, datés de 1504, qui ne sont pas sans mérite.
Cet art se perfectionna en Italie en 1520. Hugues Carpi (Hugo da Carpi) publia le premier une manière de graver en bois, par le moyen de laquelle les estampes paraissent comme lavées de clair-obscur. Ce secret plut tellement au célèbre Raphaël, qu'il souhaita que plusieurs de ses compositions fussent perpétuées de cette manière. Il grava lui-même des camaïeux en bois, auxquels il mit son initiale ou un R blanc à l'estompe, ou de la teinte la plus claire. Nicolas a exécuté avec succès de très beaux camaïeux pour MM. Crozat et de Caylus.


La gravure en cuivre

La gravure en bois se compose de traits en relief qui s'impriment de la même manière que les caractères de l'imprimerie en lettres ; la gravure en cuivre est précisément le contraire : elle se compose de traits en creux, que l'on enduit d'encre et qui s'impriment sur le papier humide en faisant passer la planche entre deux cylindres.
Nous répéterons ici ce que nous avons déjà dit, qu'il est étonnant que les anciens, qui ont excellé dans l'art de graver sur les pierres fines, sur les cristaux et même sur les métaux, en creux et en relief, n'aient pas inventé l'art de tirer des empreintes des ouvrages qu'ils exécutaient. Dans plusieurs anciennes églises, on trouve des tombeaux couverts de plaques de cuivre sur lesquelles on voit des gravures au simple trait, absolument semblables à nos planches gravées. Il existe au cabinet royal des antiquités une lame de cuivre sur laquelle il y a un grand nombre de figures gravées de manière à en pouvoir tirer facilement des empreintes. Il n'y avait qu'un pas de cette opération à celle de l'impression en taille-douce ; mais ce ne fut que vers le milieu du XVe siècle que l'on fit cette découverte. On l'attribue à un orfèvre de Florence, nommé Masso Finiguerra. Il avait gravé sur un plateau d'argent quelques figures dont il désirait conserver une empreinte ; il imagina d'enduire son travail de noir de fumée délayé avec de l'huile, et de presser son plateau sur un papier humide. Son opération réussit ; et la gravure en cuivre, qui donna l'être aux estampes, fut dès lors inventée. Les Allemands revendiquent, mais sans fondement, cette découverte, qu'ils prétendent avoir été faite dans l'évéché de Munster.


La gravure à l'eau-forte

Cette gravure a été inventée environ un siècle après la gravure au burin, qui est attribuée, quant à ce qui regarde les estampes, à Mantegna, né près de Padoue, en 1451. On regarde assez généralement Albert Durer comme l'auteur de cette invention. Quelques uns prétendent que ce fut le maître de cet artiste, Michel Wolgemut, qui trouva cette manière de graver ; et les Italiens attribuent cette découverte à François Parmigiano.


La gravure en couleur, à l'imitation de la peinture

Cette découverte est due à Jacques-Christophe le Blond, de Francfort, élève de Carlo Maratti. Sa méthode était d'imprimer ses estampes avec trois planches préparées, et d'employer pour cet effet trois couleurs qu'il appelait primitives ; savoir, le jaune, le rouge et le bleu. On doit placer l'époque de cette invention entre 1720 et 1730. L'Angleterre en vit naître les premiers essais ; mais, en 1737, le Blond passa en France, où il trouva des amateurs qui le mirent à même, malgré le mauvais état de sa fortune, de suivre les progrès d'un art dont il était l'inventeur.


La gravure en manière noire

Cette gravure, appelée d'abord en France l'art noir, est assez communément connue des étrangers sous le nom de mezzo-tinto. On est peu d'accord sur le véritable inventeur de cette méthode de graver. Quelque uns prétendent que le premier qui a travaillé en manière noire est le prince palatin Rupert ; quelques auteurs parlent avec éloge d'une tête qu'il grava avant qu'on eût jamais connu cette façon de graver.


La gravure au pinceau

Cette gravure est plus prompte qu'aucune de celles qui soient en usage, et l'on peut aisément l'exécuter, sans avoir l'habitude du burin ni de la pointe. On la doit à M. Stapart, qui publia à Paris, en 1773, une brochure intitulée l'Art de graver au pinceau.


La gravure au pastel

C'est M. Bonnet, graveur à Paris, qui a trouvé, en 1769, le secret de graver au pastel.


La gravure à l'imitation du crayon

On attribue l'invention de la manière de graver qui imite le crayon à Gilles des Marteaux, graveur, né à Liège en 1722, et mort à Paris en 1776. Cet artiste excellait dans ce genre de gravure, qui a pris naissance vers l'année 1756, comme on peut le voir par son Lycurgue blessé dans une sédition, pièce qu'il fit pour sa réception à l'académie royale de peinture.


La gravure en lavis

Ce genre de gravure, découvert par M. Charpentier, suivant le Mercure de France, du mois d'août 1762, et dont l'invention a été attribuée depuis à M. le Prince, suivant le Journal de Paris, du 17 juillet 1780, tient à un procédé à l'aide duquel un peintre, un architecte et tout dessinateur peut graver une planche imitant le dessin lavé, soit au bistre, soit à l'encre de Chine, avec la même facilité et presque dans le même temps qu'il laverait un dessin, sans employer aucun ustensile de gravure.


La gravure sur acier

On lit, dans la Décade philosophique, que le sieur Simon, graveur en pierres fines, a découvert la manière de graver sur acier trempé, secret dont l'art de la gravure en médailles et monnaie pourra tirer de très grands avantages.


La gravure des fleurs

La gravure, de tous les arts du dessin celui qui est le plus borné dans ses ressources et dans ses effets d'imitation, ne fut appliquée que tard et imparfaitement à la représentation des fleurs. Elle ne pouvait en reproduire que le port, les formes et les contours, mais cette prodigieuse variété de couleurs, ces innombrables nuances, ces dégradations de teintes que l'inépuisable main de la nature a répandues sur les feuilles et dans le calice des fleurs, comment la gravure s'est-elle rendue capable d'en retracer des images ? On l'essaya d'abord par la voie la plus directe et la plus simple, ce fut d'imprimer le trait en noir, et d'ajouter ensuite, au pinceau, les diverses couleurs. Ce procédé, qu'on nomma enluminure, et qu'on a continué de suivre en Allemagne et en Angleterre, y a produit de beaux ouvrages, notamment la Flore de Hongrie, la Flore de Coromandel, de Roxburgh, et la superbe collection d'Andrews, de Curtis et d'Édwards, à Londres. Mais il est évident que de nombreuses imperfections sont attachées à cette manière : l'application des couleurs, laissée aux mains plus ou moins habiles des enlumineurs, offre souvent dans les divers exemplaires d'un même ouvrage des différences sensibles ; les ombres et les clairs sont inégalement distribués ; les figures restent sans relief ; et, d'ailleurs, le trait noir qui les termine empêche toujours que l'imitation ne soit fidèle, et produit un effet désagréable.
Un second procédé fut imaginé et mis en usage par Bulliard, dans son recueil de Champignons et dans son Herbier de la France : il consistait à employer successivement plusieurs planches pour chaque fleur, et en raison du nombre des couleurs, ainsi que cela se pratique pour les toiles peintes. On a fait quelques autres applications de ce procédé, mais elles ne pouvaient être heureuses ; et même dans le cas contraire, et à défaut de tout autre motif, les frais énormes qu'il exigeait, puisque le nombre des planches pour une seule fleur était nécessairement égal à celui des couleurs qui la distinguent, l'ont fait promptement abandonner.
Un troisième procédé est celui dont M. Redouté se considère comme l'inventeur, et avec lequel il a produit cette foule de beaux ouvrages dont il a rempli la France et les pays étrangers. Il n'est pas certain que des essais de la méthode qu'il employait n'aient été faits en Angleterre avant l'époque où il s'en est servi : mais ces essais étaient si imparfaits, qu'il n'est pas étonnant qu'ils aient échappé à ses recherches ; et si la gloire d'une invention échappe à celui qui le premier en démontre l'utilité par l'heureux emploi qu'il en sait faire, on ne peut contester à M. Redouté le mérite d'avoir, dès 1796, produit les plus belles applications de ce procédé, lesquelles n'ont pu être surpassées ensuite que par ses propres travaux ; et ce mérite lui est d'autant plus légitimement acquis, que, d'après son aveu, il n'a été conduit à cette découverte que par ses seules lumières, et non par aucune notion antérieure. Sa méthode consiste dans l'emploi des diverses couleurs sur une seule planche, par des moyens particuliers à l'auteur. Lorsque les nuances principales ou même secondaires ont été ainsi imprimées, il ne faut plus qu'un léger travail pour réparer au pinceau les défauts ou vides presque imperceptibles qui peuvent se trouver entre des couleurs voisines, et pour exécuter quelques détails microscopiques que le burin ne rendrait qu'imparfaitement. Les avantages de ce procédé sont sensibles par la simple énonciation, et surtout par les nombreux exemples qu'a produits M. Redouté au moyen et à l'appui de sa méthode. Il ne faut que jeter les yeux sur ses gravures, pour y reconnaître tout le moelleux et tout le brillant de l'aquarelle ; et l'illusion est si parfaite qu'on la prendrait aisément pour la production même du peintre et pour son dessin original.

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