L'origine de Initiation
Pratiquée depuis la plus haute antiquité
Les fêtes et les initiations grecques ayant été établies sur le modèle des fêtes et des initiations égyptiennes, les initiés s'engageaient pareillement à remplir certains devoirs et certaines formalités prescrites qu'on exigeait d'eux ; mais nous n'en avons aucune connaissance, parce que les initiés s'étaient fait du secret une religion inviolable. Ils se regardaient au milieu de leur patrie comme un peuple séparé par la convenance de leur culte, et qui devait tout attendre de la protection des dieux.
Tout ce qui a percé de leurs cérémonies consiste en prières, en parfums, en fumigations, en pratiques religieuses d'un culte rendu à des hommes morts. Leurs offrandes sur les autels étaient de la myrrhe pour Jupiter, du safran pour Apollon, de l'encens pour le soleil, des aromates pour la lune, des semences de toute espèce, excepté les fèves, pour la terre.
Le déroulement de l'initiation
De longs jeûnes, des bains, des aspersions fréquentes, préparaient l'initié, par la pureté du corps, à celle de l'âme. On le conduisait dans un dôme dont la grandeur et la magnificence étonnaient ses regards, et dont la voûte représentait celle des cieux qu'on allait lui ouvrir. Il entendait une musique dont le rythme, inconnu au vulgaire, et répété par des échos distribués dans le temple, paraissait à l'aspirant la musique des chœurs célestes.
Il quittait ses vêtements ordinaires, et prenait une longue robe de lin ; on lui mettait un rameau d'olivier dans la main droite, et un bandeau sur les yeux. A peine il cessait de voir, que la musique qui l'avait enchanté se taisait ; des cris menaçants ou plaintifs, des sanglots ou des gémissements se faisaient entendre. Tout annonçait des dieux irrités qui demandent une victime, et des hommes barbares par faiblesse, qui vont l'immoler en l'arrosant de leurs larmes.
Des trous pratiqués aux deux côtés opposés d'un puits lui servaient d'échelle pour descendre dans des souterrains d'une profondeur immense. L'initié ne savait ni comment ni où il descendait ; mais il descendait si longtemps, qu'il devait croire qu'on l'éloignait du séjour des vivants. Alors on lui ôtait son bandeau, mais il ne voyait plus que les ténèbres dont il était environné. La lueur sombre de quelques brasiers qu'il traversait lui montrait tout-à-coup des torrents qu'il fallait franchir, des spectres hideux qu'il fallait combattre, et des chiens qui se promenaient en jetant des hurlements horribles. La foudre tombait à ses pieds, et dans le même instant un char de feu l'élevait dans les nues pour le précipiter dans de plus profonds abîmes.
S'il pâlissait, c'en était fait de lui : les souterrains gardaient à jamais l'initié, qui n'était plus alors qu'une victime ; il perdait la lumière du jour en venant chercher la lumière éternelle. Mais si son courage souriait à toutes ces épreuves, si ses yeux avaient fixé d'un regard ferme la mort qu'on lui présentait sous les formes les plus effrayantes, une lumière, douce
comme celle de l'Élysée, lui découvrait au loin des champs et des bosquets dignes de servir de séjour aux ombres heureuses. Une seconde fois se faisait entendre à ses oreilles cette musique dont les accords semblaient avoir été inventés par l'Olympe. Les airs, remplis et pénétrés de l'esprit des fleurs les plus odorantes, portaient à ses sens un parfum plus doux que l'encens qu'on offre aux dieux. Au moment où il se croyait transporté dans le ciel, des sages, que le ciel semblait inspirer en effet, venaient l'entretenir de la nature des dieux et des destinées de l'homme : on lui parlait des charmes de la vertu dans ce moment où toutes les passions endormies devaient lui laisser voir la vertu comme la volupté de l'âme ; on lui parlait de l'immortalité de l'âme et d'un bonheur éternel, dans ce moment où il n'avait plus d'autres vœux à former que celui de voir éterniser les sensations dont son âme était remplie.
Ces impressions extraordinaires, qui auraient pu se dissiper en sortant du temple, étaient prolongées encore dans une procession où l'initié, promené solennellement, voyait les profanes fixer sur lui un œil plein de respect et de religion.
Des cérémonies similaires d'un temple à l'autre
Voilà le tableau que l'on peut se former de la réception des initiés, en recueillant les traits épars que l'on en trouve dans une multitude d'ouvrages. Les cérémonies étaient à peu prés les mêmes dans tous les temples : elles se transmettaient d'un temple à l'autre, avec une religion qui ne permettait guère de les altérer.