L'origine de Jeu
Les jeux dans la Grèce et la Rome antiques
On sait que pendant le siège de Troie, les Grecs, pour en tromper la longueur et pour adoucir leurs fatigues, s'amusaient à différents jeux.
A l'imitation des Grecs, les Romains eurent aussi leurs jeux. Les plus connus étaient celui de pair ou non, la mourre, le trochus, le jeu des larrons, qui approchait de notre jeu d'échecs, et se jouait sur une table marquée en façon d'échiquier ; auxquels on peut joindre deux jeux de hasard, savoir celui des osselets et celui des dés ; mais nous voyons que, jusqu'à la fin de la république, les jeux de hasard furent sévèrement défendus.
Le jeu chez les Germains
Les Germains, suivant le témoignage de Tacite, se livraient à cette passion avec une telle frénésie, qu'après avoir tout perdu, ils se jouaient eux-mêmes en un seul coup ; alors le vaincu, quoique plus jeune et plus fort, se laissait garrotter et vendre aux étrangers. Saint Ambroise va plus loin : Les Huns, dit—il, après avoir mis au jeu leurs armes et tout ce qu'ils ont de plus cher, y exposent leur vie, et se donnent la mort pour s'acquitter envers le gagnant.
Le jeu en France
Dans un ouvrage intitulé De la passion du Jeu, depuis les temps anciens jusqu'à nos jours (1779), M. Dusaulx, qui remonte à l'origine du jeu, et le suit dans tous les lieux, dans tous les siècles, le découvre chez les sauvages, comme au sein des nations civilisées et corrompues ; mais il ne lui semble nulle part aussi actif, aussi funeste, aussi universellement étendu que parmi nous. Accueilli d'abord par la noblesse, des courtisans avides et desœuvrés l'introduisent auprès du trône ; il séduit nos rois et leur famille : sous François Ier, il commence à régner à la cour ; il s'y fortifie sous Henri II ; l'exemple de Henri IV donne aux joueurs une audace et une considération qui propagent cette épidémie jusqu'au centre de nos provinces. Mazarin, pendant la minorité de Louis XIV, sut aggraver le mal ; le jeu et l'intrigue se trouvèrent enfin naturalisés à la cour. Bientôt on vit les seigneurs français parcourir l'Italie, l'Espagne et l'Angleterre, non pour y signaler, à l'exemple de notre chevalerie, leur bravoure et leur loyauté, mais pour y exercer le vil métier de joueurs et de chevaliers d'industrie.
« Séduits par l'exemple, dit l'éloquent auteur que nous venons de citer, tous les ordres de citoyens veulent jouer et donner à jouer ; on enseigne les jeux à la jeunesse avant de l'introduire dans le monde, et l'ignorance de cette science infernale est maintenant regardée comme un défaut essentiel d'éducation. Aussi n'admettons dans la bonne compagnie que des maîtres et des disciples pour le moins disposés à payer au centuple les tableaux et les fiches qu'on leur présente, les bougies qui les éclairent, les valets qui les servent, et les mets destinés à prolonger ce honteux agiotage.
Les familles et les amis se rassemblent, moins pour se voir et s'entretenir que pour s'entre-disputer l'or que chacun possède. L'insensé qui se laisse ruiner sans se plaindre obtient le titre honorable de beau joueur ; on l'accueille, on le recherche, on célèbre la noblesse de son âme, jusqu'à ce que, réduit à l'indigence, il soit forcé d'aller cacher sa honte et son désespoir loin des barbares qui l'ont dépouillé. »