L'origine de Lettrés
Nom que les Chinois donnent à ceux qui savent lire et écrire leur langue ; il faut être lettré pour être élevé à la dignité de mandarin.
Une secte créée au XVe siècle
C'est aussi le nom que l'on donne à une secte qui s'est élevée en Chine, l'an 1400 de l'ère vulgaire, et dont Confut-Zée est regardé comme le fondateur. On prétend que cette secte, principalement composée de gens lettrés du pays, adore un être suprême, éternel et tout-puissant, sous le nom de Chang-Ti, roi d'en-haut ou maître du ciel ; mais leur conduite donne lieu de soupçonner que cet être suprême n'est pas la seule divinité qu'ils reconnaissent, puisqu'ils rendent les honneurs divins aux âmes de leurs ancêtres, et font des sacrifices aux génies tutélaires. Une accusation plus grave, intentée contre eux, est celle d'athéisme. Plusieurs veulent que, par ce nom de Chang-Ti, ou de maître du ciel, ils n'entendent en effet que le ciel même, matériel et visible. Quoiqu'ils aient souvent déclaré que leurs hommages s'adressaient à cet être supérieur qui règne dans le ciel, on a toujours soupçonné quelques équivoques dans leur doctrine ; mais à bien examiner la chose, on sera plus porté à les croire idolâtres qu'athées. Cependant il est des sectateurs de Confut-Zée qui se distinguent des autres par des opinions qui pourraient, avec assez de raison, les faire regarder comme athées, si l'obscurité impénétrable de leur système permettait d'en porter un jugement certain.
Une nouvelle secte domina la première
Ce système fut adopté, vers le commencement du XVe siècle, par une nouvelle secte qu'on peut regarder comme une réforme de celle des lettrés, et qui devint la secte dominante de la cour des mandarins et des savants. L'empereur Yong-Lo, qui régnait alors, protégea cette nouvelle secte, et prit même la résolution de détruire les autres, et notamment celles de Lao-Kium et de Fo, qui avaient introduit dans l'empire un nombre prodigieux de doctrines superstitieuses ; mais on lui représenta qu'il était dangereux d'ôter au peuple les idoles dont il était entêté, et que le nombre des idolâtres était trop grand pour qu'on pût se flatter d'anéantir l'idolâtrie. Ainsi la cour se borna prudemment à condamner toutes les autres sectes comme des hérésies.
Cette secte, fameuse à la Chine, est aussi très répandue dans le Tunquin. On remarque cependant quelque différence entre les opinions des lettrés tunquinois et celles des lettrés chinois. Les premiers pensent qu'il y a dans les hommes et les animaux une matière subtile qui s'évanouit et se perd dans les airs, lorsque la mort dissout les parties du corps. Ils mettent au nombre des éléments les bois et les métaux, et n'y comprennent point l'air. Ils rendent les honneurs divins aux sept planètes et aux cinq éléments qu'ils admettent. Ils ont quatre dieux qu'ils adorent, mais dont on ne nous apprend ni les noms, ni les fonctions.
La nature chez les lettrés chinois
Les lettrés chinois ne reconnaissent dans la nature que la nature même, qu'ils définissent le principe du mouvement et du repos. Selon eux, c'est la raison par excellence qui produit l'ordre dans les différentes parties de l'univers, et qui cause tous les changements qu'on y remarque. Ils distinguent la matière en deux espèces. L'une est parfaite, subtile, agissante, c'est-à-dire dans un mouvement continuel ; l'autre est grossière, imparfaite, inerte. L'une comme l'autre est éternelle, incréée, infiniment étendue, et en quelque sorte toute-puissante, quoique sans discernement et sans liberté. Du mélange de ces deux matières naissent cinq éléments qui, par leur union et par leur température, font la nature particulière et la différence de tous les corps : de là viennent les vicissitudes continuelles de toutes les parties de l'univers, le mouvement des astres, le repos de la terre, la fécondité ou la stérilité des campagnes. Cette matière, toujours occupée au gouvernement de l'univers, est néanmoins aveugle dans ses actions les plus réglées, qui n'ont d'autre fin que celle que nous leur donnons, et qui, par conséquent, ne sont utiles qu'autant que nous en savons faire un bon usage. Cette secte est au Tunquin, comme à la Chine, dominante à la cour et parmi les grands.