L'origine de Livre
L'étymologie du mot Livre
Une des manières d'écrire des anciens était en peignant (pingendo), c'est-à-dire, en marquant les lettres sur l'écorce de certains arbres ; ils appelaient cette écorce ou membrane liber en latin, d'où nous avons fait le mot livre, en changeant le b en v.
« Liber, dit M. Dacier, est proprement l'écorce intérieure de l'arbre. Les anciens, avec la pointe d'une aiguille, séparaient cette écorce en de petites feuilles ou bandes qu'ils appelaient tilias ou phyliras, sur lesquelles ils écrivaient. »
Une origine indéterminée
Le livre d'Hénoch est cité dans l'épître de saint Jude ; sur quoi quelques uns se fondent pour prouver l'existence des livres avant le déluge ; mais le livre que cite cet apôtre est regardé par les auteurs anciens et modernes comme un livre imaginaire ou du moins apocryphe. Nous n'avons donc rien d'assuré sur la première origine des livres, et, de tous ceux qui existent, les livres de Moïse sont incontestablement les plus anciens. Les poèmes d'Homère sont, de tous les livres profanes, les plus anciens qui soient passés jusqu'à nous, et on les regardait ainsi du temps de Sextus Empiricus, quoique les auteurs grecs fassent mention d'environ soixante-dix livres antérieurs à ceux d'Homère, comme les livres d'Hermès, d'Orphée, de Daphné, d'Horus, de Linus, de Musée, de Palamède, de Zoroastre, etc. Mais il ne nous reste pas le moindre fragment de la plupart de ces livres, ou ce qu'on nous donne pour tel est généralement regardé comme supposé.
La proscription de certains livres
Plusieurs siècles avant l'invention de l'imprimerie, différents gouvernements, disent les auteurs de la Bibliothèque Britannique, avaient défendu certains manuscrits et les avaient fait livrer aux flammes. Cela est arrivé souvent chez les Grecs et les Romains. A Athènes les ouvrages de Protagoras furent prohibés, et tous les exemplaires que l'on en put découvrir furent brûlés par le crieur public. A Rome, le sénat fît brûler les livres de Numa trouvés dans son tombeau, parce qu'ils étaient en opposition avec la religion de l'état. Comme le peuple de Rome était extrêmement superstitieux, et que les livres des astrologues l'entretenaient dans cette disposition, le sénat fît souvent supprimer ces ouvrages par le préteur. L'empereur Auguste fit brûler tout à la fois plus de vingt mille exemplaires de ces ouvrages des astrologues. Il avait commencé par le livre du satirique Labienus : ce fut le premier ouvrage condamné au feu ; et Auguste fit une loi contre les livres de ce genre. Sous Tibère, le sénat condamna aux flammes l'ouvrage de l'historien Crémutius Cordus.
Antiochus Épiphanes fit brûler les livres des juifs ; et dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, les livres des chrétiens furent traités de la même manière. Eusèbe nous apprend que Dioclétien fit brûler la Bible. Après que la religion chrétienne fut établie, le clergé exerça contre les livres qui ne s'accordaient pas avec les dogmes reçus le même genre de proscription. Ainsi les livres d'Arius furent condamnés au feu, et Constantin menaça de mort ceux qui en recèleraient. Le concile d'Ephèse obtint de l'empereur Théodose II que les livres de Nestorius fussent brûlés ; et chaque siècle vit renouveler la même persécution.
Le livre rouge
Ce livre était un registre de dépenses, composé de 122 feuillets, relié en maroquin rouge et formé de papier de Hollande de la fabrique de D.-C. Blauw, dont la devise empreinte dans le papier est : Pro patria et libertate (pour la patrie et la liberté). Les dix premiers feuillets renfermaient les dépenses du règne de Louis XV ; les trente-deux qui suivaient appartenaient au règne de Louis XVI ; le surplus était blanc. Le premier article de ce dernier règne, en date du 19 mai 1774, porte une somme de 200 000 francs pour distribution aux pauvres à l'occasion de la mort du feu roi ; le dernier article du même règne, en date du 16 août 1789, énonce la somme de 7500 francs pour un
quartier de la pension de madame d'Ossun. Chaque article de dépense est écrit de la main du contrôleur-général, et ordinairement paraphé de celle du roi. Le paraphe est un L avec une barre dessous. En général, les articles écrits de la même main sont sous une même suite de numéros, et, lorsque l'administrateur cesse d'être en fonction, il y a un arrêté, quelquefois de la main du roi, quelquefois de la main du ministre, avec la signature entière du roi. Quelques articles du temps de MM. Turgot, de Clugny et de Fleury ne sont pas paraphés. Louis XVI, en 1790, exprima le désir qu'on ne prît pas connaissance au livre rouge des dépenses de son aïeul ; en conséquence la portion de ce livre qui concerne Louis XV fut scellée d'une bande de papier.
Le dépouillement du livre rouge, depuis le 19 mai 1774 jusqu'au 16 août 1789, donne 227 985 716 francs 10 sous 1 denier.
Une ancienne monnaie de compte
Le mot livre, appliqué à l'argent, a, dit J. Peuchet, désigné, en France, sous Charlemagne, environ douze onces d'argent pur, du poids de marc. Les pièces de monnaie d'argent appelées sols contenaient, sous ce prince, chacune la vingtième partie de cette livre, mais il n'y avait point de pièce de monnaie pesant douze onces. A cette époque le mot livre n'était pas un nom de monnaie, c'était un nom de poids. On disait au même sens une livre d'argent, une livre de fer, une livre d'huile, etc.
Les successeurs de Charlemagne altérèrent les monnaies en diminuant la quantité d'argent fin contenue dans les divisions de la livre appelées sols, de manière qu'au lieu que les sols contenaient chacun la vingtième partie de douze onces d'argent de notre poids de marc, ils n'en continrent plus que la centième, la millième partie ; mais comme le sol conservait toujours la même dénomination, quoique altéré, la dénomination de livre se conserva aussi pour signifier vingt sols, et vingt sols continuèrent de s'appeler une livre.
Cette nouvelle livre fut différente de l'ancienne : l'une était une livre en poids, l'autre était une livre employée dans l'expression de la valeur des monnaies, une livre servant à compter une livre numéraire.
Cependant la livre, après avoir cessé d'être une monnaie de poids, et être devenue une livre numéraire, ne fut pas, par cela seul, une monnaie de compte, au sens que nous appliquons cette dénomination ; s'il y eût eu des pièces de monnaie appelées livres, chacune contenant une demi-once d'argent, la livre, quoique numéraire, par opposition à une livre de poids, n'eût pas été une monnaie de compte, puisqu'on eût pu payer alors vingt-quatre livres avec vingt-quatre pièces de monnaie appelées livres ; douze livres avec douze pièces, et c'est ce qui arriva sous Henri III, où il y eut des pièces de monnaie appelées livres et francs, qui formaient précisément l'équivalent de vingt sous en argent fin.
La livre ne redevint monnaie de compte que lorsqu'on cessa de fabriquer des pièces contenant exactement la quantité d'argent que le mot livre exprimait, parce qu'alors seulement on ne put plus que compter avec la livre, et non payer.