L'origine de Loi
Depuis la nuit des temps
La loi est ce qui donne la forme aux institutions politiques, et la règle aux établissements et aux intérêts civils. Dès qu'un peuple put se former en corps de nation, il fallut des lois pour le gouverner. L'antiquité des lois est toujours enveloppée dans l'obscurité et l'incertitude de l'histoire des premiers temps.
Les lois de Moïse ne sont pas les plus anciennes, car l'Egypte était policée lorsqu'elle reçut les pères des Hébreux dans son sein ; mais elles sont les seules dont l'antiquité soit bien constante, et qui se soient conservées sans altération. On voit que, dans les temps fabuleux, on attribue aux deux Mercures les premières lois de l'Égypte, qui en reçut aussi d'Osiris et d'Amasis : mais il n'est resté aucun vestige de ces lois.
La Grèce eut aussi ses premiers législateurs : Sparte obéit aux lois de Lycurgue, Athènes à celles de Dracon, dont la rigueur fut corrigée par celles de Solon ; c'est au dernier que l'on dut les lois attiques, dont il reste encore des fragments.
Les lois dans la Rome antique
Rome ne reçut point ses premiéres lois de la Grèce ; Romulus, son fondateur, sut, par des institutions ingénieuses, former un corps de nation du ramas d'aventuriers qu'il avait associés à son entreprise, et Numa acheva par son génie et sa vertu, de policer ces barbares. On ne saurait s'empêcher d'admirer ces établissements de la politique la plus profonde, qui lièrent ces peuples par les chaînes les plus fortes qui aient pu être forgées pour retenir les hommes dans l'état d'une société régulière : la religion unie au gouvernement, dont elle est l'appui ; la solennité et la sainteté du mariage, pour fonder l'état de famille ; la puissance paternelle, dont la force, l'étendue et la perpétuité font de chaque chef de famille un souverain domestique ; enfin la séparation des ordres, qui assigne dans la cité un rang différent aux pères de la patrie, les sénateurs et les patriciens, aux chevaliers et aux plébéiens ou à la classe moyenne du peuple.
Mais Rome éprouva bientôt une révolution qui renversa et changea son gouvernement. Cette révolution mit la confusion dans les lois comme dans l'administration publique. Il fallut établir de nouvelles lois ou donner aux lois méconnues une nouvelle sanction. On créa dix magistrats suprêmes, ce furent les décemvirs, et l'on députa trois citoyens recommandables pour aller dans les différentes villes de la Grèce, recueillir les lois les plus convenables à l'état de la république. Sur leur rapport, les lois sont dressées sur dix tables ; on y en ajoute deux : et la loi des douze tables est exposée, réunit tous les suffrages, et est désormais la loi par excellence.
Cette loi, qui parut empruntée de la Grèce, représente cependant les lois fondamentales de l'ancienne Rome, auxquelles on rendit ainsi leur autorité.
Ces lois ne pouvaient tout prévoir et tout régler; il y eut des magistrats , d'abord les consuls, puis les préteurs, qui eurent l'autorité d'y suppléer par leurs édits ; elles reçurent aussi l'interprétation des sages.
Mais de nouvelles convulsions vinrent bientôt changer la constitution de la république ; le commun peuple se sépara du premier ordre, se créa des magistrats qui lui étaient propres, les tribuns, et fit des lois qui furent intitulées plébiscites, par opposition aux décrets du sénat, qui avaient force de loi sous le titre de senatus-consultes.
Il y eut donc dans ces premiers temps cinq espèces de lois différentes : la loi par excellence ou des douze tables, les interprétations des sages, les édits des magistrats, les sénatus-consultes et les plébiscites.
Mais les troubles toujours renouvelés par l'agitation du commun peuple (plebis), aboutirent à faciliter l'usurpation du pouvoir souverain : elle substitua la monarchie absolue sous l'abri des formes de la république, que l'on garda au moins dans l'apparence, comme une image de cet état de liberté. Les chefs de l'usurpation, sous le litre d'empereurs, parce qu'ils étaient commandants des forces publiques, firent des lois en se revêtant des titres de magistrature qui en avaient donné le droit : mais ces lois, appliquées à des règlements généraux ou à quelque nouvel objet de police de l'état, furent des constitutions ; ou bien, embrassant des décisions de cas particuliers sollicités par des préfets ou des présidents des provinces, portèrent le titre de rescrits.
On conçoit que ces lois, avec celles déjà bien nombreuses du sénat et des magistrats, se multiplièrent au point de devenir un chaos impossible à débrouiller. Cela porta naturellement à les classer dans des recueils. Le premier fut celui des édits des préteurs, que leur sagesse avait fait conserver nonobstant le terme mis à leur autorité ; il forma l'édit perpétuel.
On fit ensuite des recueils semblables des ordonnances et des rescrits des princes.
Mais il faut remarquer que la religion chrétienne, ayant été adoptée par Constantin, et étant devenue celle de l'empire, cela amena quelques changements dans les lois. Après avoir fait le recueil des lois antérieures au règne de ce prince, on en fit un de celles qui furent portées par ses successeurs, empereurs chrétiens. Ce dernier recueil fut l'ouvrage de Théodose le jeune, et porta le titre de code Théodosien.
A toutes ces lois s'ajoutèrent les travaux des jurisconsultes les plus célèbres, autorisés à répondre sur le droit, et dont les juges devaient suivre les décisions. C'était une suite de la nécessité de tirer les lois, si multipliées, du chaos et de la confusion ; elle amena un ordre de gens studieux et exercés à la philosophie, qui en firent une profession. C'est l'éclat de leur sagesse et de leur profonde érudition qui les fit revêtir de cette autorité.
L'application de la loi romaine dans les autres pays
Comme alors Rome commandait à tout le monde civilisé, et qu'elle ne communiquait ses lois propres, leges quiritium, qu'aux hommes et aux régions qui avaient accepté le droit de cité, et comme il ne fallait pas moins administrer les pays conquis et y rendre la justice, les gouverneurs ou préfets et présidents des provinces tirèrent, des lois de la nature et des gens, les règles de cette administration et de ce nouvel ordre judiciaire. Il y eut donc deux sortes de législation et de jurisprudence : la loi romaine propre pour les pays soumis au droit quiritaire, et le droit commun ou naturel et des gens pour les sujets de l'empire non soumis à ce droit.
Ces deux espèces de lois et de jurisprudence furent distinguées dans le code Théodosien qui désigna les jurisconsultes dont les décisions devraient faire autorité : or c'est dans ces travaux des jurisconsultes que l'on voit les principes du droit des gens et de l'équité distingués de la loi civile des Romains ou du droit quiritaire.
Mais ensuite Justinien, jaloux d'ajouter à la gloire de ses armes, qui avaient repoussé l'invasion des barbares du Nord, celle de réformer et de classer les lois, fit composer d'abord un recueil ou code des lois impériales ; puis il fit réunir les réformes du droit qu'il avait faites, et qui composèrent les cinquante lois ; elles furent ensuite incorporées dans une nouvelle rédaction du code des lois impériales, qu'il intitula Codex repetitœ prœlectionis ; après cela il fit extraire des livres innombrables des jurisconsultes les relations des lois et les décisions les plus certaines, dont on composa l'énorme compilation du Digeste ou des Pandectes, partagée en cinquante livres, formés de plus ou moins de titres, mais au total fort nombreux. Enfin il couronna l'œuvre par la composition des Institutes, qui furent une analyse du tout, principalement destinées à l'étude du droit et des lois, mais qui eurent elles-mêmes l'autorité de la loi. Telles furent, d'après les desseins de ce prince et l'ordre qu'il y mit, les lois romaines, auxquelles s'ajoutèrent ses Novelles et celles de ses successeurs, qui furent aussi recueillies, mais sans que ces recueils aient eu la même authenticité.
La disparition des lois romaines avec le déclin de l'empire
Ce grand corps de lois n'eut pas le sort que souhaitait son auguste auteur quand il le fit promulguer ; il n'était plus maître d'une grande partie de l'empire d'Occident, des Gaules, de la Germanie, même de l'Espagne, et de la plus grande partie de l'Italie ; car le frein imposé par ses faits d'armes n'avait pas été de longue durée. La promulgation ne put donc avoir lieu, la loi ne put régner dans ces contrées, et les lois romaines s'éclipsèrent à mesure que l'empire déclina. Ce fut l'église chrétienne qui les sauva d'une perte entière : elle s'en empara, les dégagea des usages propres aux Romains et des subtilités de leurs jurisconsultes, en soumettant tout à l'équité, autant qu'elle le put. Mais l'invasion totale de celle partie de l'empire amena la confusion à la place des lois. Les lois ou les coutumes des barbares et la féodalité régnèrent en leur lieu, et il n'y eut que quelques contrées, dans le midi de la France surtout, qui retinrent l'usage du droit même quiritaire, par forme de privilège et comme lois municipales.
Les ordonnances et édits en France
Mais aux lois romaines qui ne furent pas tout-à-fait oubliées, on substitua chez nous d'abord les capitulaires des rois de la deuxième race, et, dans la suite, avec les coutumes, les ordonnances, édits et déclarations, et les lettres patentes de nos rois.
Les ordonnances furent des lois générales sur la police du royaume, l'ordre des juridictions et les procédures criminelles et civiles, sur l'instruction publique et tous les autres établissements d'ordre public, même sur quelques parties du droit civil ; les édits étaient aussi des lois générales pour quelque établissement nouveau ou quelque réforme des anciens ; les déclarations avaient pour objet l'interprétation et l'exécution des ordonnances et des édits ; et enfin les lettres patentes s'employaient pour accorder ou maintenir quelques grâces ou privilèges ; elles revêtaient de l'autorité de la loi les ordonnances ou arrêts du conseil du roi ; elles régularisaient et donnaient l'autorité publique à des établissements particuliers auxquels le public avait ou devait prendre intérêt.
L'émergence de étude du droit en Europe
Mais ces ordonnances ou édits ne régnèrent pendant longtemps qu'au milieu d'une confusion dans laquelle tout droit s'anéantit en cédant à des usages barbares. Cependant une découverte précieuse, celle du recueil des Pandectes, trouvé à Amali et porté à Pise et à Florence, sembla destinée à changer cet ordre si funeste : elle éveilla l'attention sur l'étude du droit ; on l'enseigna dans presque tous les états de l'Europe, et ses premiers résultats furent d'influer sur ces prodigieuses réformes qui ont commencé aux établissements de saint Louis. A compter de cette époque les formes judiciaires se sont purgées et régularisées, et c'est à cette succession de praticiens célèbres depuis Pierre des Fontaines jusqu'à Loisel, aux Pithou et aux savants magistrats et jurisconsultes qui ont toujours fait l'ornement de la France, que ces formes et la jurisprudence durent les progrès marqués qui les ont fait arriver au point où nous les avons eues jusqu'au nouvel état où nous sommes.
Les lois en France après la Révolution
Pendant la révolution et l'interrègne il a été fait beaucoup de lois dont les unes sont abrogées et les autres subsistent ; celles de l'assemblée constituante sont des décrets sanctionnés par le roi Louis XVI ; il en est de même de celles de l'assemblée législative jusqu'au funeste événement du 10 août 1792.
Depuis cette époque, l'assemblée législative et la convention ont porté des décrets qui ont été promulgués. La convention fut remplacée par deux conseils formant le corps législatif et le directoire.
Ensuite Bonaparte s'est emparé de toute la puissance publique, d'abord sous le titre de premier consul à temps, puis à vie, et bientôt après sous celui d'empereur. A l'imitation des empereurs romains, il a simulé le maintien de la république en créant un sénat et un corps législatif ; mais ces corps ne furent évidemment que des instruments de sa volonté despotique.
On a donc mis au rang des lois non seulement les sénatus-consultes et les actes du corps législatif qu'il avait approuvés ou sanctionnés, mais aussi les décrets qu'il donnait même dans les résidences extérieures où le succès de ses armes le rendait le maître.