L'origine de Théâtre
Une origine grecque
Les Perses, les Assyriens, les Égyptiens, ont eu leurs jeux, leurs courses, leurs danses, en un mot, leurs divertissements, leurs fêtes publiques ; mais les Grecs, les premiers, ont eu des théâtres. C'est chez eux que les représentations théâtrales ont pris naissance ; c'est à eux seuls qu'on en doit l'invention. On en peut fixer l'époque vers l'an 590 avant Jésus-Christ. Ces spectacles n'avaient lieu qu'en certains temps de l'année, et particulièrement à la célébration des fêtes de Bacchus.
Thespis, chez les Grecs, fut le premier qui, pour représenter ses pièces, promenait ses acteurs sur un théâtre ambulant, qui n'était autre qu'un chariot. Eschyle, après lui, s'avisa de construire un théâtre sur des tréteaux, et de l'orner de décorations convenables au sujet. Le premier théâtre d'Athènes ne fut bâti que de planches ; mais ayant manqué tout-à-coup un jour qu'il était trop chargé, cet événement engagea les Athéniens à en construire un de pierre. Telle fut l'origine de ces superbes théâtres qu'on vit dans toutes les villes de la Grèce, si l'on en excepte Lacédémone, et dont Sophocle avait fait naître l'idée à ses concitoyens.
Les Grecs donnaient à leurs théâtres la figure des nefs de nos églises ; leur enceinte était circulaire par une extrémité et carrée par l'autre ; le demi-cercle contenait les spectateurs rangés sur des gradins circulaires qui s'élevaient en amphithéâtre, et formaient plusieurs étages placés les uns au-dessus des autres jusqu'au sommet de l'édifice, et le carré long servait aux acteurs et au spectacle.
Le théâtre dans la Rome antique
Les Romains n'eurent, pendant longtemps, que des théâtres en bois. Les jeux terminés, on abattait ces édifices, qui ne consistaient qu'en une scène, sans gradins pour les spectateurs, qui, par conséquent, étaient obligés de se tenir debout.
Le premier qui chez eux fit élever un théâtre avec des sièges, fut Marcus Emilius Lepidus ; mais dans la suite ils imitèrent les Grecs dans la forme et dans la construction de leurs théâtres, et les surpassèrent même en magnificence. Aucun édifice de ce genre n'égala le théâtre de l'édile M. Emilius Scaurus ; il était composé de trois ordres d'architecture et soutenu par trois cent soixante colonnes, dont les plus élevées étaient de bois doré, celles du milieu de cristal de roche, et les dernières de marbre de Crète. Dans les intervalles étaient rangées des statues de bronze au nombre de trois mille, et tout l'édifice contenait quatre-vingt mille spectateurs. Curion fit aussi construire deux grands théâtres en bois, si ingénieusement imaginés, qu'en les faisant mouvoir sur des pivots on déplaçait à volonté et la scène et les spectateurs.
Les trois parties du théâtre antique
En Grèce comme à Rome un théâtre se divisait en trois parties principales dans lesquelles toutes les autres étaient comprises, ce qui formait, pour ainsi dire, trois départements différents : celui des acteurs, qu'on appelait en général la scène ; celui des spectateurs, qu'on nommait particulièrement le théâtre ; et l'orchestre, qui était, chez les Grecs, le département des mimes et des danseurs, et, chez les Romains, servait à placer les consuls, les préteurs, les sénateurs, les pontifes et les vestales.
La magnificence des théâtres antiques
Chez les Grecs et chez les Romains le goût des spectacles s'unissait à la magnificence. Leurs théâtres étaient de vastes enceintes accompagnées de portiques, de galeries couvertes, d'allées plantées d'arbres ; et, comme ils étaient en plein air , on les défendait des ardeurs du soleil par des voiles que soutenaient des mâts et des cordages. Plus de soixante mille spectateurs occupaient les différents étages de ces immenses théâtres ; et, pour rétablir la pureté de l'air, altérée par des réunions aussi nombreuses, le luxe avait imaginé des jets d'eau de senteur, qui, serpentant à travers les statues dont le sommet était garni, s'épanchaient de toutes parts en forme de rosée.
Les théâtres en France
Nous apprenons d'un capitulaire de Charlemagne, donné à Aix-la-Chapelle en 789, que, dès cette époque, il existait en France des spectacles, bien grossiers sans doute. Ce capitulaire défend aux fils de prêtres et à tous les chrétiens d'assister à ces spectacles, où l'on ne voit, est-il dit, que des indécences ; mais ce ne fut qu'à la lin du XIVe siècle et au commencement du XVe qu'il y eut à Paris un théâtre fixe et des acteurs permanents.
« Le théâtre français, dit M. Dulaure dans son Histoire de Paris, doit son origine à la confrérie de la Passion de notre Seigneur, établie dans les bâtiments de l'hôpital de la Trinité. C'est dans l'hôpital de la Trinité que pour la première fois, depuis les commencements de la monarchie, fut établi un théâtre permanent. Auparavant on voyait quelques spectacles ambulants, des jongleurs qui chantaient et qui s'accompagnaient avec la vielle et le violon, des baladins qui faisaient danser des singes et d'autres animaux, des faiseurs de tours de force ou d'adresse, et surtout, sous les règnes de Charles V et de Charles VI, des funambules d'une adresse étonnante. Des tragédies latines, dont le sujet était le martyre ou les miracles de quelques saints, étaient représentées, le jour de leur fête, dans quelques monastères ; mais, avant l'établissement de cette confrérie, on n'avait pas vu à Paris un théâtre où l'on représentât une action dramatique en langue française.
Ces confrères ou comédiens s'étaient d'abord fixés dans le bourg de Saint-Maur-des-Fossés, où ils représentaient des scènes dont le sujet était la passion de notre Seigneur Jésus-Christ. Le prévôt de Paris, par ordonnance du 3 juin 1398, fit défense aux habitants de son arrondissement, et notamment à ceux de Paris, de se rendre à ce spectacle sans une permission expresse du roi. Les confrères s'en plaignirent à Charles VI, qui, ayant assisté à leur représentation, en fut si satisfait, que par lettres-patentes du 4 novembre 1402, il leur permit de continuer leurs représentations dans Paris et dans les enviions de cette ville, et de se montrer, dans les rues, vêtus de leur costume théâtral. Ils commencèrent en conséquence à jouer leurs mystères, à certains jours, dans différentes maisons. Ils se fixèrent enfin dans la grande salle de l'hôpital de la Trinité, et prirent le titre de Maîtres Gouverneurs et Confrères de la Passion et Résurrection de notre Seigneur. »
Après avoir, pendant près de 150 ans, représenté leurs pièces tant dans la grande salle de la Trinité, qu'à l'hôtel de Flandre, les frères de la Passion achetèrent une partie de l'hôtel de Bourgogne, où ils vinrent s'établir. Mais, dans la suite, voyant que le public commençait à se dégoûter de pièces trop sérieuses, et ne croyant pas qu'il leur convint de représenter des pièces toutes profanes, ils louèrent leur hôtel de Bourgogne et leur privilège à une troupe de comédiens qui se forma alors et qui furent appelés les Enfants sans soucis. Enfin, ces derniers furent eux-mêmes remplacés dans la suite par les comédiens italiens. Ce fut sur ce nouveau théâtre que Jodelle fit jouer des tragédies et des comédies, sous Henri II ; Baïf, sous Charles IX ; Hubert Garnier, sous Henri III ; Hardy, Mairet, Tristan et Corneille, sous Louis XIII et Louis XIV ; et Racine sous le règne de ce dernier.
Ceux qui ont écrit l'histoire du théâtre en France ne partent point de l'heure exacte de la représentation des spectacles ; mais voici ce qu'on peut assurer à cet égard : Les confrères de la Passion eurent un si grand succès, qu'on fut obligé, dans plusieurs églises, d'avancer le temps des vêpres, afin que le peuple pût assister à ces amusements. Le curé de Saint-Eustache fit ordonner aux confrères de la Passion, de ne commencer leurs spectacles qu'après vêpres ; ce qui attira de leur part des réclamations, et enfin ils se soumirent à n'ouvrir leurs jeux qu'à trois heures sonnées. Egalement à cette époque il était ordonné aux comédiens d'ouvrir leur spectacle de bonne heure, en sorte qu'on pût sortir avant la chute du jour, à cause de la mauvaise saison, et du danger de se retirer de nuit ; car alors il n'y avait point de guet, et la capitale n'était ni pavée ni éclairée. Avant Louis XIV, il y avait peu de spectacles, et on les donnait à deux et trois heures ; mais depuis Molière, les heures des spectacles ont été à peu près invariables.