L'origine de Glacerie
Un art inventé à Venise et repris à Paris
L'art de faire des glaces a pris naissance à Venise, et cette ville a été longtemps seule en possession d'en fournir toute l'Europe. Ce fut le grand Colbert qui lui enleva cet avantage. Il y avait beaucoup d'ouvriers français dans la manufacture de cette république : ce ministre les rappela à force de promesses, et les retint à force d'argent. Déjà en 1634, Eustache Grandmont et Jean-Antoine d'Anthonneuil avaient obtenu le privilège de fabriquer des glaces et miroirs à Paris ; mais cette entreprise languissait, lorsqu'en 1666 Colbert donna à cette manufacture une consistance qu'elle n'avait jamais eue, l'érigea en manufacture royale, et fit construire les vastes bâtiments qu'elle occupait dans la rue de Reuilly. Dès cette époque, on commença à faire en France d'aussi belles glaces qu'à Venise, et bientôt on en fit dont la grandeur et la beauté n'ont jamais pu être imitées ailleurs. C'est ce que Boileau a exprimé en beaux vers.
Nos artisans grossiers rendus industrieux,
Et nos voisins frustrés de ces tributs serviles
Que payait à leur art le luxe de nos villes.
On ne connaissait alors que les glaces souillées ; c'étaient du moins les seules que l'on fabriquait à Venise, et ensuite à Tour-la-Ville, près de Cherbourg en Normandie. Les grandes glaces ou les glaces coulées n'ont été imaginées qu'en 1638, par Thevart, suivant les uns, et par Lucas de Néhon, suivant les autres. Les ateliers où on les fabriquait ont d'abord été établis à Paris ; ensuite ils furent transférés à saint-Gobin en Picardie. Le coulage des glaces s'exécutait à Saint-Gobin, d'où on les envoyait brutes à Paris ; c'est là qu'elles recevaient le poli et le tain. « On est parvenu, dit M. Dulaure, dans son Histoire de Paris, à y polir des pièces de dix à douze pieds de hauteur. Cette manufacture, dont les procédés sont très curieux, occupe environ 800 ouvriers. »
Les glaces aux carrosses
L'usage en est venu d'Italie, et Bassompierre est le premier qui l'ait apporté en France. Ce n'était d'abord que pour les petits carrosses ; les autres avaient toujours de grandes portières et des rideaux, comme les coches.
Les glaces au-dessus des cheminées
On doit l'origine de cet usage élégant à Robert de Cotte, arcbitecte, né à Paris, en 1657, et mort dans la même ville en 1735, premier architecte du roi, et intendant des bâtiments, jardins, arts et manufactures royales, après avoir décoré Paris et Versailles d'une infinité d'excellents morceaux d'architecture.
Les glaces discrètes (ou glaces sans tain)
On a très bien désigné sous ce nom de nouvelles glaces propres à être mises aux carrosses, aux salles de bain, aux croisées exposées trop en vue ; elles ont l'avantage de laisser voir tout ce qui se passe au dehors, sans que l'on puisse être vu. L'industrie qu'on y emploie consiste à y tracer des losanges ; en sorte qu'une partie de la glace étant terne et dépolie, il ne reste plus que de petits carrés transparents, au travers desquels on aperçoit distinctement les objets. Ces glaces ont été imaginées, en 1769, par M. de Bernières, contrôleur des ponts et chaussées.