L'origine de Servitude

Dans tous les temps, dans toutes les parties du monde, une forte partie du genre humain a été condamnée à l'esclavage. Il y a cependant une véritable différence entre l'esclavage des anciennes nations de l'Europe et celui que l'on retrouvait encore dans plusieurs nations modernes.


L'esclavage en tant que droit de guerre

L'esclavage est toujours né de cet abus de la force qu'on a appelé le droit de la guerre ; mais il a varié avec les principes dans lesquels on a fait la guerre. Les anciens la faisaient avec les vues des peuples civilisés ; ils voulaient ou affaiblir leurs voisins, et alors tous les hommes qu'ils ne leur avaient pas tués ils les dégradaient dans la servitude, ils en remplissaient leurs maisons, ou ils les traitaient comme les animaux voués à leur service ; ou bien ils voulaient conquérir et soumettre leurs voisins, et alors ils recevaient les vaincus sous leurs lois, ils les associaient à tous leurs avantages politiques, et souvent même ils en adoptaient plusieurs institutions.
Il n'en pas fut de même des barbares qui, comme un torrent, vinrent inonder l'empire romain. Manquant de civilisation, ils la méprisèrent chez les peuples qu'ils soumirent ; ne trouvant dignes d'eux que les travaux de la guerre, ils avaient besoin des vaincus pour cultiver une terre dont ils ne voulaient que jouir ; ils ne les attachèrent pas à leurs personnes, ils les asservirent aux champs où ils les trouvèrent. Les Romains faisaient déjà cet emploi d'une partie de leurs esclaves, et l'on pourrait croire aussi que les barbares ne firent que conserver un usage qui convenait si bien à leurs mœurs. Bientôt tout se divisa dans l'empire des vainqueurs. Le gouvernement féodal s'éleva, s'étendit et s'affermit ; alors les paysans devinrent des hommes de servitude, enfermés dans le territoire des seigneurs, comme les cerfs dans leurs parcs, et livrés à la tyrannie d'un maître qui ne reconnut d'autre loi que sa volonté, d'autre justice que son intérêt.


La soumission aux lois féodales

On pourrait demander dans lequel de ces deux genres de servitude l'humanité a été le plus outragée : être privé de tous les droits de la cité et de la propriété, être irrévocablement attaché à la terre qu'on cultive, est moins dur, moins humiliant encore que de dépendre à tous les moments de la personne d'un maître, aux fantaisies, aux cruautés duquel toute votre existence est soumise. Mais, si nous considérons que l'ancienne servitude n'enveloppait que la portion d'hommes faits esclaves à la guerre ou nés dans l'esclavage, taudis que la servitude de la glèbe s'est étendue sur des nations entières, qu'elle a couvert toute l'Europe, que la noblesse et l'église ont eu seuls le privilège de conserver des hommes libres, nous resterons convaincus que le genre humain n'a jamais été si opprimé, si dégradé que par les lois féodales.
Il a secoué peu à peu le poids d'outrages et de vexations sous lequel il était resté accablé pendant plusieurs siècles ; mais nos lois, nos mœurs, les formes de nos propriétés surtout sont restées infectées des vestiges de cette absurde et tyrannique législation, et dans la France même, le royaume où les affranchissements ont commencé, et où ils se sont le plus rapidement accumulés, dans la France même, deux provinces, la Bourgogne et la Franche-Comté, avaient encore, avant la révolution de vastes cantons cultivés par des mains esclaves. En vain on eût dit que le temps, les mœurs et la protection des tribunaux avaient déjà fait tomber les plus odieux des droits que les seigneurs s'étaient arrogés sur leurs vassaux ; en vain Louis XVI avait, par son édit du mois d'août 1779, supprimé ces droits dans ses domaines. Cultiver une terre chargée des plus onéreuses redevances, de corvées et d'impositions arbitraires, où le seigneur seul possédait tout, où les tenanciers ne pouvaient jamais, devenir propriétaires, où toutes leurs acquisitions retombaient à leur mort dans le domaine du seigneur, où ils ne pouvaient ni les donner ni les transmettre même à leurs enfants, si ce n'est à des conditions rigoureuses et toutes à l'avantage du maître ; ne pouvoir s'écarter de cette terre sans perdre à l'instant tout ce qu'on possédait ; ne pouvoir rien acquérir, même dans un autre pays, qui ne soit soumis à la confiscation seigneuriale ; contracter cette servitude non seulement par la naissance, mais par le mariage, mais par l'habitation d'un an et d'un jour : voilà, à quelques différences près, dans les divers cantons, quelle était la destinée des serfs qui restaient encore dans la Bourgogne et la Franche-Comté. « Les religieux de la Mercy, disait éloquemment Voltaire, passent les mers pour aller délivrer nos frères lorsqu'on les a faits esclaves à Maroc ou à Tunis : qu'ils viennent donc délivrer douze mille Français esclaves en Franche-Comté ! »

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